Quelle application du programme économique de M. Trump, pour quelles conséquences ?
Une application partielle du programme économique de Donald Trump pourrait relancer le cycle américain de croissance à court terme. « Notre scénario central pour les États-Unis prévoit une mise en œuvre partielle des promesses électorales faites par le nouveau Président, y compris le lancement d’un plan de relance budgétaire pour 2017. La reflation qui en découlera contraindra la Fed à donner un tour de vis monétaire plus régulier au cours des trois prochaines années. Nous prévoyons d’ailleurs entre 2 et 3 hausses des taux par an jusqu’en 2019, qui ramèneront les taux d’intérêt à un niveau proche de la barre des 3% », explique Ludovic Subran, Chef économiste d’Euler Hermes.
Euler Hermes prévoit ainsi une accélération de la croissance américaine à +2,4% en 2017, après +1,6% en 2016. « Mais pour assurer une telle reprise, il faudra contenir les éventuelles répercussions négatives des décisions politiques de l’administration Trump sur l’économie américaine (mesures de représailles protectionnistes, etc) », nuance Ludovic Subran.
Captain America sort ses biceps budgétaires…
Les mesures budgétaires à venir pourraient inclure des dépenses d’infrastructure de l’ordre de 500 milliards USD sur 10 ans. Cela représente la moitié de ce qu’a promis le nouveau Président au cours de sa campagne. Même si le déblocage des fonds pourrait être retardé, le temps d’identifier clairement les projets (et d’appeler à la rescousse l’investissement privé et l’endettement), il s’agira d’une décision politique importante, qui devrait soutenir la croissance de la consommation, estimée à +2,8% en 2017 (+2,6% en 2016).
En ce qui concerne les mesures fiscales, les entreprises pourraient évoluer dans un environnement plus favorable grâce à une baisse du taux d’imposition des sociétés de 35% à 15%, et à la possibilité d’amortir leurs dépenses d’investissement sur 1 an au lieu de 10 ans. Ces mesures devraient être adoptées conformément aux promesses électorales, ce qui favorisera la croissance de l’investissement privé, attendue au rebond à +2,8% en 2017 (-0,7% en 2016), et encouragera la mobilisation de l’abondante trésorerie accumulée au bilan des entreprises.
… Et déploie son bouclier financier
Afin de relancer un cycle de croissance qui s’essouffle, le Président Trump semble tenté de relancer l’économie américaine par la dérégulation. En témoignent les deux décrets signés vendredi dernier, ordonnant la révision de la réglementation financière et bancaire mise en place au lendemain de la crise de 2008, à savoir la loi Dodd-Frank. « Une telle décision préfigure d’une baisse des exigences en fonds propres et des ratios de liquidité des banques américaines. Cela pourrait donner lieu à une augmentation des revenus du capital pour les ménages, et soutenir un cycle expansionniste de crédit aux Etats-Unis », juge Ludovic Subran.
D’autre part, cette dérégulation devrait favoriser les entreprises américaines mais pourrait créer des déséquilibres dans l’économie mondiale. « In fine, l’objectif principal de ces mesures est de baisser les coûts de financement pour les entreprises américaines. Mais l’abondance de liquidité actuelle leur suggère déjà un accès privilégié à l’emprunt, d’où un potentiel avantage concurrentiel de taille face aux entreprises des autres régions. Et vu l’hégémonie et la force actuelle du dollar face aux autres devises, les entreprises américaines pourront investir et acquérir des actifs à l’étranger plus facilement », développe Ludovic Subran.
Du multilatéralisme au bilatéralisme, vers une logique de deals
Si le Président Trump tient ses promesses électorales, il faut s’attendre à une véritable métamorphose des relations commerciales, qui passeront du multilatéralisme et des traités régionaux aux accords bilatéraux. Les relations avec la région Pacifique (TPP) et l’Europe (TAFTA) seront mises entre parenthèses. En même temps, une politique commerciale plus restrictive affectera les pays ayant d’importants excédents commerciaux avec les États-Unis, avec à leur tête la Chine et le Mexique. « Les droits de douane de 45 % annoncés au cours de la campagne semblent fantaisistes, mais des droits de douane de 15 % sur les marchandises importées de Chine et des mesures non conventionnelles telles que le renforcement de la Loi sur la préférence nationale, la différentiation par le régime fiscal et le protectionnisme sur les services sont parfaitement envisageables », estime Ludovic Subran. Enfin, même si la renégociation de l’ALÉNA semble peu probable en 2017, des barrières non douanières (renforcement des normes, par exemple en matière de conditionnement) et des incitations à relocaliser les activités pourraient être mises en œuvre. Cela aurait des conséquences négatives sur les entreprises américaines fabriquant une partie de leurs produits au Mexique (l’industrie automobile, par exemple).
Et les entreprises américaines, dans tout ça ?
Finalement, le programme de Donald Trump pourrait s’avérer à double tranchant pour les entreprises américaines. L’impulsion donnée à la demande et les baisses de l’impôt sur les sociétés favoriseront la génération de liquidités, alors que les incitations fiscales concernant les dépenses d’investissement assureront la productivité future. « D’un autre côté, l’inflation et la hausse des taux d’intérêt pourraient accroître le coût du financement et rendre plus difficile l’accès à l’emprunt. Sans parler des mesures protectionnistes qui mettront sous pression les coûts de production et pèseront sur les bénéfices et sur les flux de trésorerie d’exploitation. En fin de compte, ces trois facteurs combinés (croissance de l’activité, incertitude sur les coûts de production et financement plus coûteux) pourraient accroître les besoins en fonds de roulement des entreprises et le risque de crédit », expose Ludovic Subran. Selon Euler Hermes, les défaillances d’entreprises aux Etats-Unis pourraient augmenter de +1% en 2017 et +5% en 2018, après la stagnation enregistrée en 2016.
A l’échelle sectorielle, les conséquences du plan de Donald Trump seront contrastées. Les secteurs nationaux non délocalisables, comme la distribution et la construction, sont ceux qui devraient profiter le plus de l’impulsion donnée à la demande. Certains secteurs délocalisables pourraient également bénéficier d’une amélioration de la compétitivité et d’un soutien délibéré de l’Etat, comme des mesures antidumping dans la métallurgie. À l’inverse, dans d’autres secteurs comme le textile ou l’électronique, les répercussions négatives de la politique commerciale de l’administration Trump pourraient effacer largement les effets externes positifs de la relance budgétaire.