Hong-Kong, Singapour, Taïwan : 3 tigres asiatiques pris dans le typhon chinois
Hong Kong, Singapour et Taiwan enregistreront en 2016 une croissance économique molle. Les trois économies devraient croître de moins de 2% en 2016-2017, soit un rythme nettement inférieur à leur moyenne de long terme (aux alentours de 3.5%). « Pour ces trois marchés, la croissance de l’activité sera freinée par le fléchissement de la demande extérieure, en particulier chinoise (baisse de la demande, mise à niveau de l’économie), et par le durcissement des conditions financières extérieures, avec des risques de contagion », explique Mahamoud Islam, économiste Asie chez Euler Hermes.
La baisse de la demande extérieure sera le principal frein pour les trois tigres asiatiques, rendus très sensibles aux variations du commerce mondial par leur taille modeste et leur ouverture accrue. Euler Hermes estime qu’une contraction d’un point du commerce mondial peut priver Singapour de 0,7 pt de PIB, et Taiwan et Hong-Kong de 0,5 point.
Typhon chinois et possible coup de chaud sur les marchés
Outre la faible croissance du commerce mondial cette année (+2,2%), la croissance chinoise s’annonce décevante, à +6,5% en 2016 contre +6,9% en 2015. De plus, avec la mise à niveau du pays, les fournisseurs chinois vont se substituer aux fournisseurs étrangers, dont les hubs commerciaux. « Face à ces deux phénomènes, et à la baisse du pouvoir d’achat imputable à la dépréciation du CNY, Hong Kong, Taiwan et Singapour vont voir reculer leurs exportations de biens et de services (tourisme et services financiers), ainsi que leurs ventes au détail. Hong Kong est dans l’œil du cyclone : les exportations de biens vers la Chine représentent 88 % du PIB, et le HKD est trop fort pour permettre à Hong-Kong de regagner en compétitivité », développe Mahamoud Islam.
Par ailleurs, la vulnérabilité financière de ces 3 marchés est élevée car les flux de capitaux étrangers et les marchés boursiers y occupent une place plus importante que dans les autres économies asiatiques. Mauvaise nouvelle pour les 3 tigres asiatiques : leurs perspectives économiques maussades et le durcissement des conditions de financement mondiales, avec les hausses attendues des taux de la Fed, pourraient décourager les afflux de capitaux. Une baisse des entrées de capitaux, couplée à la hausse de l’aversion mondiale pour le risque, qui pourrait engendrer un coup de chaud sur les marchés boursiers d’Hong-Kong, Singapour et Taiwan.
Pour braver la tempête, faire preuve de réactivité et savoir se différencier
Alors, comment faire face à ces différents défis, et comment retrouver des niveaux de croissance plus conformes ? « Le soutien politique sera probablement le principal moteur à court terme. Dans ces trois économies, les autorités disposent de moyens puissants, grâce notamment à la solidité des finances publiques et aux excédents de comptes courants, qui leur confèrent une confortable marge de manœuvre pour stimuler la croissance », répond Mahamoud Islam. Les gouvernements de Hong Kong et de Singapour ont déjà dévoilé des mesures de soutien à l’économie (aide aux PME, aux ménages, …), qui devraient donner un coup de pouce de 1,1 pt de PIB à chaque économie en 2016. A Taiwan, les efforts budgétaires ont été freinés par un cadre légal rigoureux qui limite la dette de l’Etat central, et par le contexte politique défavorable (période d’élections). Le pays se montre nettement plus proactif sur le plan monétaire : la Banque centrale a entamé en 2015 un cycle d’assouplissement monétaire visant à stimuler la demande privée, et une nouvelle détente est attendue fin 2016 (-25 pb).
A plus long terme, la pérennité de la croissance économique des trois tigres asiatiques dépendra de leur capacité à se différencier. Hong Kong n’a pas saisi l’opportunité de diversifier son économie et de progresser le long de la chaîne de valeur, mais la qualité de son environnement des affaires, sa forte ouverture financière et ses solides compétences devraient lui permettre de conserver sa position de centre financier stratégique pour les activités liées à la Chine. De son côté, Singapour cherche à améliorer encore son agilité et sa logistique commerciale, afin de garantir sa position de hub stratégique. Enfin, Taiwan mise sur le développement de l’aval de la chaîne de valeur de ses secteurs de pointe, notamment l’électronique (des composants téléphoniques aux téléphones par exemple), et la diversification de ses partenaires.
Une fois l’orage passé, l’heure est au bilan
Tandis que les Tigres asiatiques dessinent les contours de leur prochain modèle économique, les entreprises seront les principales victimes du mauvais temps, en particulier celles figurant parmi les secteurs les plus vulnérables (matériaux de base, distribution, électronique, logement et immobilier). « En 2016, les défaillances devraient augmenter de +15% à Singapour et à Hong Kong, et de +17% à Taiwan. La tendance est à la baisse pour le chiffre d’affaires des entreprises, en ligne avec la faiblesse de la production industrielle et des ventes au détail, ainsi qu’avec les pressions déflationnistes actuelles. Rien ne permet de prévoir un changement de la situation à court terme », conclut Mahamoud Islam.