Analyse de l’accord Brexit signé entre le Royaume-Uni et l’UE
« Cet accord de libre-échange est plus avantageux que les scénarios précédemment envisagés, car il prévoit des droits de douanes nuls pour les marchandises et il est moins contraignant sur les intrants étrangers. Un atout considérable pour les exportateurs britanniques et européens. Toutefois, en raison de la sortie britannique de l’union douanière, les barrières non-tarifaires pourraient connaître une importante hausse, de l’ordre de +5% à +10% », estime Ana Boata, Directrice des recherches macroéconomiques d’Euler Hermes.
Conséquences directes du Brexit pour les exportateurs européens
Afin que toutes les parties prenantes aient le temps de prendre leurs dispositions et de s’adapter à l’accord signé, une période de transition de 6 mois a été actée par le Royaume-Uni pour les biens importés. Durant cette période, les contrôles à la douane sont évités, ce qui devrait permettre aux exportateurs européens de limiter les pertes initialement évaluées pour 2021. Ainsi, les exportations européennes vers le Royaume-Uni ne se contracteront que de près de 10 Mds EUR cette année. Le plus grand perdant sera l’Allemagne, avec une perte de débouchés de 2 Mds EUR, devant les Pays-Bas (-1,2 Mds EUR) et la France (-0,9 Mds EUR). Un impact réel, mais bien moindre que celui précédemment anticipé, qui représente moins de 0,5% des exportations des pays affectés.
En quoi l’épidémie Covid-19 rebat-elle les cartes du Brexit ?
Selon les experts Euler Hermes, l’épidémie Covid-19 devrait amoindrir les conséquences du Brexit, sous l’impulsion de 5 facteurs :
- Premièrement, les restrictions sanitaires. En raison des nouvelles mesures de confinement récemment appliquées au Royaume-Uni, la demande des ménages et l’investissement devraient s’y contracter. Ainsi, avec ou sans Brexit, les débouchés pour les exportateurs européens sont de facto réduits par l’épidémie Covid-19. De plus, cette limitation des échanges entre le Royaume-Uni et l’UE permettra aux deux parties d’avoir plus de temps et de flexibilité pour investir dans les infrastructures aux frontières et ainsi limiter le temps d’attente aux douanes des transporteurs de marchandises.
- Ensuite, la « règle d’origine » nécessitera probablement des changements dans les chaînes d’approvisionnement pour de nombreux secteurs (bois, équipements électriques, métaux, produits chimiques et pharmaceutiques, électronique, machines et équipements, etc). Mais la crise Covid-19, et la limitation des échanges internationaux qui en a découlé, a déjà poussé de nombreuses entreprises britanniques à repenser leurs chaînes d’approvisionnement et à rechercher davantage de fournisseurs nationaux.
- Troisièmement, la crise Covid-19 devrait limiter la hausse du prix des importations britanniques en provenance d’UE relative au Brexit. Le prix des importations britanniques pourrait augmenter de +2% à +5% dès la fin de la période de transition, en raison de l’allongement du temps de transport et des formalités administratives supplémentaires. Mais ces coûts additionnels pour les exportateurs européens, et donc pour les importateurs britanniques, pourraient être plus limités grâce à trois effets: (i) l’accord de reconnaissance des « fournisseurs de confiance » ; (ii) la demande européenne, en-dessous de son potentiel, qui permet de maintenir une pression assez faible sur les prix ; (iii) les investissements adéquats pour faciliter les contrôles douaniers qui seraient possible grâce au policy mix très accommandant en temps de Covid-19.
- Quatrièmement, un impact direct sur le marché de l’emploi britannique et les salaires. La main-d'œuvre entrante a déjà été touchée en 2020 par les restrictions sanitaires et Brexit va accentuer ce phénomène, notamment pour les travailleurs de l'UE, étant donné la nécessité d'obtenir des permis de travail. Le nombre total de travailleurs de l'UE se rendant au Royaume-Uni a diminué de -15% depuis le référendum de 2016. Les futures pénuries de main-d'œuvre exerceront une pression à la hausse sur les salaires et favoriseront l’emploi de la population britannique.
- « Enfin, la crise Covid-19 offre aux autorités britanniques une certaine marge de manœuvre pour absorber l'impact négatif du Brexit auprès de l’opinion publique. Brexit ou non, accord avec l’UE ou non, le Royaume-Uni aurait connu quoi qu’il arrive une récession prononcée au T1 2021, à cause de l’épidémie. Cette perspective est encore plus renforcée par les mesures de reconfinement récemment adoptées. Toutefois, la situation économique du pays devrait se redresser au gré de leur avantage comparatif sur la campagne de vaccination et du retour de la confiance, pour une croissance attendue à +2,5% en 2021 et à +7% en 2022 », ajoute Ana Boata.